15 Juillet 2020
- Souvenez-vous -
Il y à 33 ans
- Marche des oubliés ; Rouen, Mont-Casino, 1987 -
Après notre longue marche, partie de Rouen le 23 mai 1987
Nous sommes arrivés le 15 juillet 1987 devant la Basilique de saint-pierre du Vatican où l’on m’avait annoncé à Sa Sainteté Jean Paul II :
- Monsieur Brahim Sadouni, un ancien harki ! Il fait une marche de Rouen jusqu'à Monte et Cassino.
- Il va là-bas pour se recueillir sur les tombes de tous ces musulmans qui se sont sacrifiés pour libérer l'Europe puis, le pape se lève et vient vers moi :
- Bravo, me dit-il. Vous êtes courageux.
Je profite aussitôt de cet instant privilégié pour lui dire :
- Votre Sainteté, cette marche est un grand symbole pour moi, car mon père a combattu lui aussi à Monte Cassino. Vous, vous avez rendu hommage aux Polonais qui sont tombés dans le monastère de Monte Cassino, mais, à ma connaissance et à ce jour, jamais aucune personnalité française, politique, ou religieuse n'a honoré ces milliers de soldats venus d'Afrique du Nord qui sont tombés pour la France pendant la campagne d'Italie. Le pape m'écoute d'une oreille attentive et je continue :
- En tant que descendant de cette génération, moi aussi, l'armée française m’a enrôlé dans les harkis à dix-sept ans pendant la guerre de l’Algérie.
- C'est avec honneur que je fais ce modeste geste, et de ma propre initiative, pour saluer la mémoire de ces morts. D'ailleurs, j'ai appelé ma marche « La marche des oubliés de l’histoire ».
Pendant que je lui parle, le pape me tient le bras, il répète :
- Bravo ! Bravo ! C’est très bien ! C'est courageux ce que vous faites pour la mémoire.
Je reprends la parole, car ce moment est trop précieux pour moi.
- Si vous me le permettez, je voudrais aussi vous dire quelque chose. Il y a en France une communauté de harkis dont je fais partie. Ces gens ont combattu pour la France pendant la guerre, mais la France n'a jamais été reconnaissante envers eux et les a abandonnés délibérément après l'indépendance.
- Je suis moi-même un des rescapés de ces massacres. Aujourd'hui, il y a encore des hommes et des femmes qui vivent dans des camps en France. Ce n'est pas digne d'un pays civilisé ni même de la religion que vous représentez.
- En bon musulman, car je pense en être un, je suis venu pour vous saluer, je sais qu'il y a en vous de la bonté, de la justice et de la fraternité.
J'ai pris note, me dit Jean-Paul II.
- Vous pouvez compter sur moi. Je transmettrai des vœux pour qu’une telle souffrance disparaisse dans le cœur des hommes.
Après cette entrevue dans ces lieux saints de la chrétienté, je pense à ce que je viens de faire. Il me semble que j'avais bien fait de transmettre l’essentiel de mon message au plus haut dignitaire de la religion chrétienne.
Cinq jours plus tard, avec Saïd, nous avons atteint Monte Cassino.
Cimetière de Vinafro ( italie ) Dalila, devant la tombe de son grand père, tirailleur Algérien au mort au combat à Mont casino en 1943.
- J'aurais tant aimé raconter tous les souvenirs glanés dans chaque ville où nous nous sommes arrêtés. Mais avec trente-trois étapes entre Rouen et Nice, sans compter toutes celles de l'Italie, c'est chose impossible depuis le temps écoulé.
Mais je peux qu'en évoquer quelques-uns de ces souvenirs.
À la Côte Saint-André par exemple, j'avais rencontré un vieux pied-noir, Marcel Rivora, est venu à ma rencontre, il s'était mis à pleurer en me voyant marcher ainsi, comme un fou, il savait bien que, malheureusement, la France nous avait bien tourné le dos à nous les harkis.
À Grenoble, je fus accueilli par M. Bolan, Président de l'union nationale des anciens combattants d'Afrique du Nord. Lui aussi n'a pu retenir ses larmes. Tous ces gens-là, non seulement, sont venus pour m'encourager, mais ils m'ont gratifié avec une petite somme d'argent afin de m'aider à continuer à sillonner la France profonde.
A Saint-Firmin, j'ai même fait une petite gaffe involontaire devant Monsieur le curé du village venu me saluer, car il savait que j'avais rendez-vous à Rome avec Jean Paul II. Durant la petite réception, organisée pour moi, lors dans une conversation, je laisse échapper, sans bien mesurer le sens des mots, un « Nom de Dieu ! » retentissant.
Heureusement, l'un des adjoints au maire m'a fait gentiment la remarque qu'il n'était pas convenable de blasphémer ainsi, surtout devant Monsieur le Curé.
Après ce petit impair, vite pardonné, je remercie encore plus profondément toutes ces personnes qui m'avaient offert l'hospitalité.
Brahim Sadouni
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Rouen le 13 juillet 2020 à 12 h 40'
« Après avoir appris la disparition de Mohammed Benkouda, j’exprime ma profonde tristesse et présente mes condoléances à toute sa famille et à ses amis. Je sais combien il a servi notre cause. Il s’était beaucoup investi pour aider les nôtres.
Je n’ai pas oublié son précieux soutien qu’il m'a toujours apporté lors de mes marches à travers la France. Notre communauté vient de perdre un grand ami et nous ne l’oublierons jamais.
Mohammed était aussi un grand croyant, je prie Dieu pour qu’il l’accueille dans son domaine parmi ses fidèles. C’est pour cela que j’encourage tous nos enfants et nos amis à poursuivre le chemin de la justice sans jamais oublier nos sacrifices et notre passé commun ». Brahim Sadouni.
Pour en savoir plus sur Mr Brahim Sadouni
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