25 Septembre 2024
Soixante ans après la fin de la guerre d'Algérie, des descendants de harkis continuent de lutter pour la reconnaissance et la réparation des préjudices subis par leur communauté. Reportage au camp de Bias, dans le sud de la France.
Des descendants de harkis devant la stèle à l'entrée du camp de Bias le 21 septembre 2024. © RFI/Aram Mbengue
Du camp de Bias, il ne reste presque plus rien, juste deux terrains vagues, quelques pavillons et des bâtiments administratifs de part et d'autre de l'entrée. En 1975, c'est de ce camp qu'est partie la révolte qui a abouti au démantèlement des camps de harkis en France. Sur les plus de 160 000 harkis à s'être engagés dans les rangs de l'armée française durant la guerre d'Algérie, près de 80 000 d'entre eux se sont réfugiés en France pour fuir les représailles du FLN. Mais arrivés en métropole, désillusion, isolement et mauvaises conditions de vies les attendaient.
« Ici, c'était l'entrée principale. Il y avait des grandes barrières, très hautes, avec des fils barbelés tout autour et des sapinettes, se souvient André Azni, président de l'association Les Harkis et leurs amis. Donc ici, c'est l'allée centrale où il y avait des bâtiments verticaux, comme ça. Ensuite, pour pouvoir effacer la mémoire des camps, ils ont construit ces petits pavillons qui ne ressemblent à rien. »
Situé près du village de Bias, le camp est bien caché du regard par une végétation luxuriante. Pendant plusieurs années, les harkis n'avaient quasiment aucun contact avec l'extérieur. Larbi Bouzaboun avait un an quand sa famille est arrivée au camp de Bias, où il a vécu pendant 15 ans. Une expérience traumatisante selon lui : « Quand vous êtes un enfant et que vous grandissez dans un camp de concentration, je pèse bien mes mots, que vous ne pouvez pas évoluer comme un enfant, normalement, bien sûr que vous êtes traumatisé. Vous êtes choqué. L'échec scolaire était tracé. Quand vous arrivez en CM2, même avec 18 de moyenne, on vous faisait redoubler deux ans, trois ans... Donc, comment voulez-vous qu'après on puisse évoluer comme n'importe quel citoyen français ? C'est impossible ! »
Si ce descendant de harki a eu la chance de partir du camp de Bias à l'âge de 16 ans, ce ne fut pas le cas de Malika Belfoule. La mère de famille, qui vit toujours sur place, met un point d'honneur à parler de l'histoire des harkis à ses enfants. « Les harkis, faut être fier. Je leur ai dit : " Ce n'est pas une honte ". Je dis : " Papy, c’est De Gaulle qui l'a amené, il n'est pas venu tout seul ". Et regardez le résultat, ce qu'ils nous ont fait. Quand vous voyez que les gens qui sont venus aujourd'hui, ils ont tout le acquis. Alors que nos parents, c'est le De Gaulle qui les a amenés. Mais il les a trahis, en fait, à la fin. Je suis fier d'être arabe, mais je suis française à 100% et je le revendique. Et je suis fière de mon père. »
Qu'ils aient quitté le camp ou pas, aujourd'hui, l'objectif des descendants est de faire connaître l'histoire des harkis. « Nous avons bataillé pendant plusieurs années pour la réparation et la reconnaissance, rappelle Boaza Gasmi, du Comité national de liaison des harkis (CNLH). Mais aujourd'hui, il est grand temps de parler de la mémoire pour que le citoyen français connaisse toute la vérité sur notre histoire. On veut que cette histoire soit connue dans les universités, dans les lycées, dans les collèges, dans les écoles primaires, et cetera. »
Les harkis de Bias réclament depuis des années un lieu de mémoire sur ce site emblématique.
25/09/2024
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