Claude Kayser
« Le problème des harkis ? Une farce indécente préparée par certains de nos hommes politiques. » C’est avec ces mots que le Côte-d’Orien Claude Kayser témoigne dans « Guerre d’Algérie, des appelés vendéens témoignent », sorti en 2006. Ancien chef de Section administrative spécialisée (1) dans l’ouest algérien, il a en effet choisi de désobéir aux ordres de l’armée française en rapatriant volontairement, en juin 1962, 110 personnes, des harkis et leurs familles. « Je n’ai pas hésité longtemps, quinze jours ou trois semaines au maximum.
Mais je ne pouvais pas abandonner ces gens. Nous avions passé plusieurs années ensemble. Certains d’entre eux étaient brillants. Je savais qu’ils allaient se faire massacrer et la suite de l’Histoire m’a donné raison. Sur les 66 hommes à qui j’ai proposé un rapatriement en France en 1962, 39 ont choisi de rester en Algérie.
Quand je suis retourné là-bas en 1987, j’ai appris que 10 avaient disparu et 29 avaient été exécutés. » En 1962, pour ceux qui ont choisi la France, Claude Kayser organise une chaîne de solidarité avec ses propres beaux-parents, quelques patrons d’entreprises de Bourgogne et des bénévoles. La demi-brigade de fusiliers marins, chargée du contrôle d’une partie de la frontière algéro-marocaine, facilite leur transfert vers la France et la Bourgogne où la plupart deviennent de très bons salariés.
L’ancien lieutenant SAS paie, lui, sa désobéissance au prix fort. « Huit jours après mon retour à Messigny-et-Vantoux, les Renseignements généraux étaient à ma porte pour me demander où étaient passés les harkis. Je n’ai rien dit et ils n’ont rien trouvé. J’ai dû quitter l’armée, mais j’ai fait carrière dans le privé. A ma connaissance, aucun de ceux que j’ai aidés ne s’est mal comporté en France. Je les ai suivis encore deux ou trois ans, puis beaucoup sont descendus s’installer dans le Sud.
J’ai eu régulièrement un coup de fil, une lettre ou même une visite de l’un d’entre eux. Aujourd’hui, plusieurs sont décédés, mais j’ai désormais des nouvelles des enfants et des petits-enfants. J’ai appris par exemple il y a peu qu’une fille de harki venait d’avoir son bac et allait intégrer l’université d’Aix-en-Provence. C’est mon bon point, ma récompense, la preuve qu’il y a cinquante ans, j’ai fait le bon choix. »
(1) Les Sections Administratives Spécialisées (S.A.S) étaient chargées d’une part de “pacifier” un secteur et d’autre part de promouvoir l’“Algérie française” durant la guerre d’Algérie en servant d’assistance scolaire, sociale, médicale envers les populations rurales musulmanes.
Article source:Le bien Public le 02/06/2013