---------- Le 07/09/2012 par Stéphanie LEROUGE, A.F.P
Maire de Lutterbach pendant 24 ans, le «citoyen du monde» Roger Winterhalter avait habitué ses administrés à ses incartades poétiques et politiques. Son dernier coup d'éclat -la révélation de son passé au service du FLN en Algérie- a plus de mal à passer.
A 74 ans, l'Alsacien, qui fut maire de Lutterbach, en banlieue de Mulhouse, de 1977 à 2001, a éprouvé le besoin de raconter dans un bref témoignage intitulé «Si c'était à refaire... Une fraternité plus forte que la guerre d'Algérie», comment il s'est mis au service des indépendantistes du Front de libération nationale alors qu'il était appelé en Algérie.
Affecté à Telergma, près de Constantine, Roger Winterhalter affirme avoir volé du matériel et des uniformes, donné des renseignements, modifié l'affectation de soldats infiltrés du FLN.
Il aurait été approché et convaincu de rejoindre les partisans de l'indépendance de l'Algérie par un condisciple «indigène», après lui avoir dit qu'il ne comprenait pas comment il pouvait se «battre contre ses propres frères».
Ces confidences tardives ont fait s'étrangler le général de corps d'armée Georges Pormenté, autorité militaire la plus élevée du Haut-Rhin, qui a écrit au préfet du département pour demander le retrait de la carte du combattant de l'ancien maire.
s'offusque le général dans un courrier révélé par les Dernières Nouvelles d'Alsace la semaine dernière.
Polo sport rouge, crinière blanche et fine chaîne en or autour du cou, Roger Winterhalter, qui reçoit dans son petit appartement de Mulhouse où trône le portrait du «Che», dit ne rien regretter.
«Frères d'armes»
«Je me suis toujours demandé si j'avais bien fait. Je pense que je n'ai pas été traître à mes convictions. Je suis avant tout un citoyen du monde», affirme-t-il avec l'accent caractéristique du Sud-Alsace. «Mes parents se disaient français parce que la France c'est liberté, égalité, fraternité. J'avais ancrées en moi ces valeurs qui ne se cachent pas derrière des frontières».
L'ancien expert-comptable se rendra en octobre en Algérie pour rencontrer une fois encore ses «frères d'armes» -une poignée de membres du FLN infiltrés dans son régiment.
Ancien «danseur du samedi soir» amateur de football, Roger Winterhalter se décrit comme un «militant né de la guerre d'Algérie».
Membre du FSU puis des Alternatifs, il a dirigé le bourg de Lutterbach (6.000 habitants), en tentant d'y faire vivre son utopie autogestionnaire, écologiste et pacifiste.
Au titre de ses faits d'arme symboliques, avoir proclamé Lutterbach ville «dénucléarisée», et édifié à deux pas du Monument aux morts de la ville un monument à la Vie «où un forgeron casse des armes et les transforme en fleurs».
Du côté des réalisations concrètes, il a «construit trois immeubles HLM dont les futurs locataires participaient à la construction de leur logement», permis à tous les citoyens de prendre la parole dans les conseils municipaux, ou créé des structures d'insertion par l'économie.
Depuis 2002, Roger Winterhalter anime une structure associative, la Maison de la citoyenneté mondiale à Mulhouse.
Admiré comme un «pionnier, un aiguillon» par certains proches comme le maire d'Ungersheim Jean-Claude Mensch (EELV), l'ancien édile ne fait pas l'unanimité, y compris à gauche.
Un membre de la majorité de droite à Lutterbach le juge «un peu mégalo et parano». Jo Spiegel, président délégué PS de Mulhouse Alsace Agglomération, pointe le «décalage entre ses discours et sa pratique». «C'est un spécialiste du Nicaragua alors que les gens attendent des réponses concrètes à leurs difficultés», persifle-t-il.