30 Janvier 2012
Forts de leurs 800 000 voix à la présidentielle, ils font monter les enchères auprès des candidats. Un enjeu politique non négligeable.
C'est une étude de l'Ifop qui tombe à pic pour les pieds-noirs. Le numéro 6 de la revue Cevifop publie en effet une analyse du vote pied-noir pour la prochaine élection. Le panel interrogé englobe non seulement des rapatriés, mais aussi des descendants de cette communauté, qui, dans son ensemble, représente le chiffre non négligeable de trois millions de votants.
Comme pour les élections précédentes, le Front national confirme son attractivité, se plaçant au-dessus de sa moyenne nationale (28 % et 24 % pour les descendants), mais c'est le score de Nicolas Sarkozy qui est le plus révélateur : à égalité avec François Hollande pour les rapatriés (26 %) - contre 31 % en 2007 -, il s'effondre dès lors qu'il s'agit des fils et des filles de pieds-noirs : 15 % contre 31 % pour François Hollande.
On ne peut s'empêcher de rapprocher ces résultats du très fort ressentiment exprimé par les associations de pieds-noirs contre Nicolas Sarkozy. Un ressentiment relayé, comme souvent dans les combats mémoriels, par la 2e et la 3e génération, qui, 50 ans après les accords d'Évian, ont jugé opportun de demander des comptes au gouvernement français. En 2007, le candidat Sarkozy avait promis la reconnaissance de la responsabilité de l'État français de 1962 dans les crimes et les préjudices moraux et matériels subis par les harkis et les rapatriés. Aux yeux des pieds-noirs et des harkis (qui, avec leurs descendants, représentent (800 000 votants), il n'a pas tenu ses promesses.
Plusieurs associations, dont JPN (Jeune Pied-Noir, proche également des harkis), ont donc demandé aux candidats à la présidentielle 2012 de s'engager par écrit - et non plus par oral - pour cette reconnaissance d'un "crime d'État" et la fin de ce que l'historien Jean-Jacques Jordi, dans un livre récemment publié, a intitulé "Un silence d'État".
Lors d'un petit déjeuner organisé ce matin au Sénat, deux candidats ont signé ou ont promis de signer cette convention Candidat-Rapatriés : Marine Le Pen et Jean-Marc Governatori, le candidat de l'Alliance écologiste indépendante. Dominique de Villepin avait mandé un représentant. Par ailleurs, François Hollande a envoyé un message écrit où il estime que la France "s'honorerait en reconnaissant ses responsabilités dans l'abandon volontaire de nos concitoyens rapatriés et en particulier des harkis". Après s'être engagé à ouvrir l'ensemble des archives concernant la période qui a suivi les accords d'Évian, il propose une réunion publique où il signera cette convention.
Nulle présence, par contre, des autres candidats dans ce palais du Luxembourg, qui, comme l'ont rappelé les organisateurs, avait voté hier la loi sur le déni du génocide arménien. Le télescopage de ces "deux poids deux mesures" était trop flagrant pour ne pas être souligné ce matin par ces associations. Les pieds-noirs, qui ont l'impression de s'être fait abuser, sont donc fermement résolus à passer à l'heure des comptes et à peser plus que jamais dans une élection qui coïncide avec le 50 e anniversaire des accords d'Évian (19 mars 1962) et de l'indépendance de l'Algérie (5 juillet 1962). Deux événements que l'État français s'est engagé, en revanche, à célébrer en grande pompe avec l'Algérie, ce qui, bien sûr, meurtrit les pieds-noirs.
L'année s'annonce longue et chaude : un autre sujet de discorde, qui va dans le même sens, vient d'éclater, comme le rapporte sur son site l'historien Guy Pervillé, professeur à l'université de Toulouse et spécialiste de la guerre d'Algérie. Invité à rédiger pour le livre des commémorations nationales l'article concernant la guerre d'Algérie, Pervillé crie à la censure, car la partie concernant la période des accords d'Évian a été amputée des quatre cinquièmes. Sur son blog, il restaure la version intégrale, qui évoque les enlèvements de Français, les massacres des harkis ainsi que le rôle du général de Gaulle. Autant d'éléments qui ont disparu Par du livre publié par les Archives de France et le ministère de la Culture.
Les anniversaires des événements historiques sont l'occasion à la fois de se souvenir et de préparer l'avenir. Ils sont aussi le symptôme d'une confrontation d'un État avec son histoire et l'écriture de cette histoire.
Source: François-Guillaume Lorrain
l'Association Départementale Harkis Dordogne Veuves et Orphelins , et le site http://www.harkisdordogne.com/ Périgueux