26 Octobre 2018
Mesmonda Halassi-Torche a vécu cité des Ajoncs, de 1964 à 1969.
Avant de vivre cité des Ajoncs, Mesmonda Halassi-Torche, femme de harki, quitte l'Algérie avec son mari et séjourne dans un camp.
« En 1962, des hommes du FLN (Front de Libération Nationale) sont venus à la maison pour me tuer.» Mesmonda Halassi-Torche est enceinte de son premier enfant. Son mari est absent, ses parents parviennent à la protéger. Le lendemain, elle part à la caserne : « le général de Gaulle avait donné ordre de laisser celle-ci ouverte, pour que les harkis puissent s'y réfugier. Dans la rue, des cadavres gisaient au sol. » Elle retrouve son mari, déjà à la caserne. « Nous sommes partis sans rien, en camion, pour Annaba, dans une autre caserne. » Elle n'oublie pas les conditions de vie: « Nous étions nombreux, nous ne nous connaissions pas, aucune intimité, pas d'hygiène. J'ai pleuré pendant des mois. » Le 1er juin 62, la famille débarque à Marseille. Elle est accueillie par des associations.
« On nous a envoyés dans un camp près de Marseille. Isolés, nous ne voyions personne. Nous vivions sous une tente militaire, avec deux autres familles, sans intimité, sans douches, ni toilettes, ni lumière. Matelas militaires, repas militaires.»
En novembre, Mesmonda-Halassi-Torche part avec sa famille, pour le camp de Rivesaltes. « Sous les ordres de l'armée, privés de liberté, il fallait demander un ticket pour sortir. Nous vivions dans une grande salle divisée par des bâches. J'étais enceinte, malade, sans appétit. » Mesmonda retrouve des cousins qui lui donnent de quoi cuisiner, elle est logée dans une petite pièce. Affaiblie, elle accouche à l'hôpital de Perpignan. Les hommes suivaient des cours de français. « J'ai trouvé un poste de couturière pour l'armée. » Nous avons refusé de partir en Corse, nous sommes venus enBretagne.
Loin de tout, isolés
Le 7 juillet 1964, la famille arrive en gare de Vannes et est logée cité des Ajoncs. « On était 24 familles dans la cité. Nous avions deux chambres, une petite salle, une cuisine. On avait acheté une cuisinière à bois. On donnait 50 F par mois pour le loyer. » Les premiers temps, son mari est au chômage, puis il travaille dans le charbon. Mesmonda, un peu chez Saupiquet.
« Je ne peux pas dire qu'on n'était pas bien. Les logements étaient petits, les WC dehors, mais Il y avait une bonne ambiance dans la cité. Par contre, on était loin de tout, isolés, l'impression d'être cachés. Plus tard, J'ai fait une demande de HLM, que j'ai eu du mal obtenir. Aujourd'hui, je vis dans ma maison. C'est encore parfois difficile pour nos enfants de trouver du travail ou d'avoir un appartement. »
Cinq baraquements voient le jour à la cité des Ajoncs
L'un des cinq baraquements de la cité des Ajoncs construits en 1964. Archives Départementales du MORBIHAN
Isabelle Séchet, jeune étudiante qui s'était occupée, à Aurillac, de familles harkis, est à l'origine de la création de la cité des Ajoncs. Initiative inédite en Bretagne. Elle interpelle les pouvoirs publics pour tenter d'installer en Bretagne des harkis. Son idée est relatée par la presse, un groupe de travail est organisé à la préfecture, le 1er mars 1963, afin d'organiser l'accueil de harkis et de leur famille. « Le comité d'accueil des Français musulmans, dont je faisais partie, est mis en place par la préfecture. Nous étions une vingtaine de bénévoles. Notre souhait était d'aider les harkis à s'installer, les soutenir dans leur reclassement professionnel et leur apporter une aide morale et matérielle »,
se rappelle Amar Chaouchi, ancien militaire, ancien fondateur et président de la section morbihannaise des harkis. Une entreprise vannetaise de travaux publics s'engage à embaucher trente harkis.
Logés dans une porcherie désaffectée
Entre avril et juin 1963, une vingtaine de familles arrivent du camp de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales) et de Colomb-Béchar (Algérie). « Quand les premières familles arrivent en 1963, elles logent dans un hôtel à Damgan, chez des particuliers à Vannes, dans une porcherie désaffectée à Guéhenno... »
La construction de la cité des Ajoncs est décidée. « Nous avons acheté un terrain d'environ un hectare, je me souviens, à 3,50 F le mètre carré, au lieu-dit la Terre-Rouge, à Saint-Avé. » Des subventions furent accordées : celle du Comité national, des allocations du ministère des Rapatriés, des dons du Secours catholique, du conseil général, de la ville de Vannes, des Caisses d'Épargnes de Lorient et de Vannes, des Lions club, de la chambre de commerce, des prêts de la Caisse d'allocations familiales et du CIL ont ainsi permis la construction de vingt logements répartis dans cinq baraquements.
Leur construction débute en octobre 63 et s'achève en avril 64. « Je n'étais pas pour la construction de la cité. Selon moi, cela n'était pas favorable à une bonne intégration », précise Amar Chaouhi. En 1966, le comité gère 31 familles de harkis, 186 personnes dont 118 enfants. Dès 1967, les départs commencent. En 1981, la cité est vide, les baraquements sont des ruines. Le comité est dissous. Deux ans plus tard, 27 familles résidaient dans le Morbihan, 12 étant devenues propriétaires et 15 vivants en HLM.
- Source archives départementales et archives Ouest-France. -
26/09/2018
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