18 Octobre 2019
Le travail des historiens, l'engagement des associations et la prise de conscience politique depuis le début des années 2000 a permis l'édification d'un lieu de mémoire à proximité du camp de Rivesaltes.
C'est un drame qui s'est joué il y a 57 ans sur le sol roussillonnais que les autorités ont décidé de mettre en lumière ce samedi 19 octobre en inaugurant une stèle en mémoire des anciens harkis, épouses et enfants décédés au camp de Rivesaltes. Secrétaire d'Etat auprès de la ministre des armées, Geneviève Darrieussecq, dévoilera à 15 h 30 cet édifice.
Entre septembre 1962 et décembre 1964, ce sont près de 22 000 harkis qui vont se retrouver dans ce lieu qui est devenu depuis la fin des années trente un camp d'internement où, tour à tour, seront concentrés dans des conditions effroyables les Républicains espagnols, puis les populations juives, tziganes et les prisonniers militaires.
Pour les autorités, il s'agit d'un camp de transit et de reclassement, mais pour les populations harkies, grandes absentes des accords d'Evian, la vie dans ce camp de Rivesaltes est un terrible chemin de croix.
Dans ce pays qu'ils ne connaissent pas et où ils ne maîtrisent pas la langue, l'internement est une nouvelle humiliation pour ces hommes qui ont combattu quelques mois plus tôt aux côtés de l'armée française. Nombreux seront ceux qui y laisseront leur vie ou qui enterreront un proche. Une histoire longtemps oubliée mais qui grâce à l'engagement des associations, aux recherches scientifiques et à la mobilisation de l'Etat est aujourd'hui enfin inscrite dans le marbre.
85 % des victimes sont des enfants de moins de 2 ans
Historien, chargé de mission pour l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) et membre de la mission ministérielle qui doit servir de base à un nouveau plan d'actions en faveur des harkis, Abderahmen Moumen détaille l'histoire de cette stèle. "Elle est installée là où se trouvait, à proximité du camp de Rivesaltes, le cimetière mis en place par l'armée pour les populations harkies. Elle rend hommage aux 146 personnes, anciens harkis, épouses et enfants qui trouveront la mort dans le camp où à l'hôpital du nord de Perpignan. 85 % sont des enfants de moins de 2 ans. Les conditions de vie dans le camp et celles du transfert entre l'Algérie et la France provoqueront ces drames. Une partie sera enterrée sur le site de la stèle et une autre dans le cimetière au nord de Perpignan".
Pendant très longtemps, ces inhumations tombent dans l'oubli. "La grande majorité des familles quittent le camp en 1965 pour être éparpillées dans toute la France". Mais à partir des années quatre-vingts, grâce au croisement des archives départementales et de la mémoire de quelques familles, le cimetière est retrouvé. "Une famille avait conservé le souvenir du lieu d'inhumation. À la fin des années soixante-dix, elle avait mis une dalle en béton sur le site".
Si ce cimetière est définitivement identifié grâce aux recherches en partenariat avec l'INRAP (Institut National de Recherches Archéologiques Préventives) et les services du Département, de la Région et de l'Etat, celui du Vernet ne comporte au début des années quatre-vingt-dix plus de tombes où pourtant 80 à 90 corps ont été enterrés vingt cinq ans plus tôt. Toujours à ce jour, elles n'ont pas été retrouvées.
Pour l'historien, "un basculement mémoriel intervient au début des années 2000. On est face à la résurgence des mémoires de la guerre d'Algérie. Des mesures symboliques sont mises en place avec l'instauration dans le calendrier national de la date du 25 septembre ou encore la prise en compte dans les manuels scolaires de l'histoire des harkis. En 2014 sous l'égide de Manuel Valls, la recherche des lieux d'inhumations des harkis et de leurs familles devient un enjeu fort". Ainsi, le projet de stèle à Rivesaltes intègre toute une série de mesures dès 2014 avant d'être reprise par la dernière mission ministérielle.
Elle doit permettre aux familles de se recueillir puisque les noms des 146 personnes disparues figurent sur la stèle. L'idée pour le ministère est de prolonger la mémoire au-delà de la stèle en permettant l'installation d'une signalétique racontant cette histoire singulière et tragique.
Geneviève Darrieussecq: "Lutter contre l'oubli"
À quelques heures de rejoindre les Pyrénées-Orientales pour se rendre au congrès des maires puis inaugurer cette stèle, la secrétaire d'Etat auprès de la ministre des armées nous confirmait toute l'importance que revêtait cette cérémonie. "Cette stèle symbolise la lutte contre l'oubli. C'est la reconnaissance de la nation pour ses combattants mal accueillis en France. Grâce au travail des associations, des familles et des équipes de l'ONACVG, nous avons pu localiser ce lieu. C'est important dans les mesures que nous mettons en œuvre pour les harkis et les enfants. Elles doivent permettre de redonner de la dignité".
Critiquée par plusieurs associations, la majorité présidentielle veut aussi croire aussi à son fonds de solidarité à destination des enfants de harkis qui a connu en 2019 sa première année d'exercice. "Si beaucoup de harkis sont intégrés, certains restent fragiliser. C'est pourquoi nous avons mis en place ce fond de 37 M€ sur quatre ans. Des dossiers ont été instruits. Les dispositifs précédents, notamment celui facilitant leur intégration dans la fonction publique, n'étaient pas adaptés. Là, on est sur la formation et l'appui à entrer sur le marché du travail, dans la fonction publique et dans le privé".
Entre 1962 et 1965, 22 000 harkis vont vivre dans le camp de Rivesaltes.
18/10/2019
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