Court-métrage Frères Ennemis, qui aborde le douloureux passé de la France, du FLN et des Harkis.
21 Octobre 2013
Rédigé par harkisdordogne et publié depuis
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SPECIAL PEPITES DU CINEMA. Le réalisateur orléanais Yacine Balah, 30 ans, présente en clôture des Pépites du Cinéma son premier court-métrage Frères Ennemis, qui aborde le douloureux passé de la France, du FLN et des Harkis.
Synopsis:
France, 1958, des soldats français cherchent le jeune Messaoud, un renégat FLN "porteur de valise". Messaoud échappe de justesse à une perquisition de l'armée française. Il parvient à se réfugier dans un baraquement à la lisière d'une forêt où il rencontre Belkacem, un algérien comme lui mais qui refuse de prendre part au conflit. Belkacem accueille Massoud, mais leurs points de vue sur la guerre divergent radicalement tandis qu'au dehors les soldats français se rapprochent...
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« Aux Pépites, on trouve aussi bien un court produit par trois régions qu’un long-métrage auto-produit et ça c’est classe : tous les films sont réalisés avec passion», déclare Yacine Balah sélectionné pour la première fois. « Frères ennemis, c’est vraiment une découverte, explique la déléguée générale des Pépites du Cinéma, Aïcha Bélaïdi. C‘est une toute jeune pépite, un premier film, film d’époque, produit par une jeune société, BoogieMan Production. C’est un sujet peu réalisé au cinéma et il est intéressant qu’il soit abordé par cette génération-là ».
Ce sujet, c’est la rencontre, en France, d’un membre du Front de libération national algérien (FLN) et d’un Harki à la fin des années 1950. Une histoire directement inspirée d’un vécu : « 70% du film est l’histoire de mon père, 30% est fictionnée ». Car Yacine a eu envie de réaliser ce film par rapport à « ce tiraillement que j’ai porté en moi toute ma vie entre ma mère fille de Harki et mon père ancien membre du FLN ». Mais aussi par rapport au fait que les doubles cultures soient en France occultées : « le problème qu’on avait à l’époque entre Français et Algériens, on le retrouve aujourd’hui dans tout ce qui est lié à l’identité. Et ça va au-delà de l’Algérie. On a eu un vrai problème d’identité nationale et tant qu’on n’en parlera pas, on ne pourra pas avancer ».
Écrit en deux jours, envoyé à cinquante sociétés de production pour n’en séduire qu’une, Frères Ennemis a été réalisé près d’Orléans et terminé en l’espace de cinq mois, avec le seul soutien de la Région Centre. Une aide providentielle pour celui qui regrette que le cinéma français « n’ose vraiment pas assez et c’est vraiment dommage parce qu’on a une histoire culturelle et traditionnelle très forte pas du tout exploitée ».
Lui a eu envie de faire du cinéma à l’adolescence devant le « twist final » d’Usual Suspects : « j’ai remis le film en arrière, je l’ai regardé cinq fois de suite et je me suis dit : mais comment il a fait ? ». Il se renseigne alors sur Bryan Singer, le réalisateur, puis explore les films des années 1950, 1960 à la télévision, mais aussi en VHS, « ces cassettes vidéo que mon fils ne connaîtra pas ». Affectionnant les films de Ford, Cassavetes, Lumet ou Pollack (« quand je dis cinéma, je vois des grands espaces »), Yacine apprécie également les cinéastes « qui ont une vraie vision et quelque chose à dire », comme Elia Suleiman ou Ashgar Farhadi.
À l’époque, Yacine écrivait déjà des histoires dans son coin pour se créer « un univers ». Benjamin d’une famille de cinq enfants dont le père est chef de chantier et la mère assistante maternelle, il grandit « un peu seul » ayant neuf ans d’écart avec le frère qui le précède : « c’est peut-être ça qui m’a fait m’évader ». Dans sa ville « trop paisible, mais très jolie » Orléans où il voit le jour en 1983, il passe une enfance « classe », balisée par des grands frères « déjà passés par là ».
Élève « bon jusqu’en seconde », il découvre les joies du « parquage » scolaire (« au lycée, tous les mecs du quartier d’où je venais ont été mis dans la même classe »), mais décroche un Bac ES. Après un Deug d’Histoire de l’art à Tours où il ne s’intéresse « qu’au cinéma », Yacine suit un Deug en Langues, littérature et civilisations anglo-américaines à Orléans, mais ne valide pas son diplôme « parce que j’étais parti dans l’écriture et le montage vidéo ».
Educateur dans des maisons de quartiers et centres de loisirs, il initie des enfants à la vidéo, encouragé par l’un de ses directeurs « on créait des fonds verts pour les enfants, ils étaient super fans ». Il réalise en parallèle un petit court-métrage inspiré par Dostoïevski, Le Double, qu’il diffuse sur Internet. Des rappeurs le contactent et Yacine se lance dans la réalisation de clips musicaux. Puis, pendant trois ans, il met tout en stand-by « parce qu’il faut bien manger », prend du recul et voit naître son amour « pour un cinéma plus engagé et moins spectaculaire ».
Soulignant le soutien indéfectible de sa femme qui l’a poussé à faire ce qu’il avait envie (« big up à toutes les femmes de cinéastes ! »), Yacine a finalement écrit le scénario de Frères Ennemis après que son père ait accepté de lui raconter son histoire.
Alors qu’il écrit son premier long-métrage, lui qui n’a pas filmé la banlieue imagine que s’il le ferait, ce serait pour réaliser un film « visuellement très beau » parce qu’ « à partir du moment où tu as une caméra, tu dois raconter des choses de la plus belle manière et faire du cinéma avec un grand C ».